Olivier Sillig   Le Monde est ma ruelle

Auteur

Olivier Sillig 

Genre

Chroniques

Éditeur

Éditions de l'Aire

Descriptif

246 pages

isbn      : 978-2-88-956072-1

EAN13 : 9782889560721

 Diffusion  Suisse : SERVIDIS
 Étranger : POLLEN

o        Le livre sur le site de l'éditeur

o        La 4ème de couverture

o        Revue de presse générale :

Le Monde est ma ruelle

o        (Distinctions)

o         Extraits

Le Monde est ma ruelle, couverutre

 

 




La 4ème de couverture

Le Monde vu par le petit bout de la spirale. Géographiquement, du plus près au plus éloigné. Le point de départ de ma spirale, c’est donc la Suisse, le Canton de Vaud, Lausanne ma ville. J’y suis né. En gros, j’y ai toujours vécu. J’y mourrai sans doute, malgré des velléités périodiques : m’acheter une gare désaffectée au centre de la Sicile, m’installer dans une des vieilles bâtisses coloniales en bois vermoulu de l’Avenue Eduardo Mondaine à Beira Mozambique, terminer ma course dans une petite ville française du Gers, pour autant qu’elle ait un bistrot, une bibliothèque publique, Internet et de bonnes liaisons ferroviaires. En attendant, au gré de la vie et des surprises qu’elle me réserve, je prends quelques notes, dans un calepin que j’ai toujours à portée de main.

 

 368 chroniques qui font ici d’Olivier Sillig, habituellement romancier, un spécialiste de plus ! mais un spécialiste de la vie dans les ruelles du monde.

 

 

Lausanne / Suisse / Italie / France / Allemagne / Est de l’Europe / Afrique de l’Ouest francophone / Sud de l’Afrique / Afrique du Sud / Amérique du Sud / Mexique.

4ème

 

 

 

 

 





Extraits choisis

Les 368 chroniques font d’une ligne à trois pages. La plupart, très courtes, font cinq à six lignes :

                  

15.     Lausanne, 20 septembre 2008

Samedi, Festival Label Suisse, un concert, trente mille personnes sur une place, qui agitent les bras en cadence.

Une jeune fille en bordure de la foule, à peine surélevée d’une ou deux marches, crie dans son téléphone portable :

– Je ne te vois pas ! S’il te plaît, fais-moi un petit signe de la main !

29.     Lausanne, 19 juin 2010

J’ai croisé tout à l’heure, ce samedi d’assez bon matin, deux épaves qui allaient déambulant, deux alcooliques finis, de ceux qui hantent les nouveaux bouges de la rue plus bas. Ils se tenaient par la main. Un homme et une femme, un couple, deux loques ravagées. Au-delà de leur détresse déprimée, ils dégageaient une telle tendresse partagée que j’en ai été désemparé. Et si c’était eux qui avaient raison ?

65.     Lausanne, 3 février 2016

Chaîne de solidarités. Une mendiante assise sur le sol mouillé et froid, grignotant un sandwich, fait l’aumône de ses miettes aux pigeons qui trottinent autour d’elle. Faut-il lancer une initiative contre les pigeons ?

79.     Yverdon, 28 février 2017

Miracle nocturne et silencieux. Brève attente de train sur un quai. Par l’intermédiaire de son portable, une ado communique en langue des signes.

Après l’avoir observée, ravi, un moment, je la contourne. C’est bien via Skype qu’elle gesticule vers une interlocutrice distante. Mais elle s’interrompt de temps à autre pour échanger, toujours par signes, avec l’ado qui lui tient compagnie sur le quai ; elle le fait en éloignant son téléphone pour que la fille à l’autre bout puisse capter aussi les signes de leur conversation, une conversation qui se joue à un, à deux, à trois, amicale, silencieuse, souriante, et magique !

81.     Sion, 13 avril 2017

Une gare de taille moyenne. Tenant en laisse un imposant chien noir, un beau jeune homme à la démarche sensuellement élastique attend l’arrivée du train. Sur le quai d’en face, une femme de mon âge le fixe, les bras ouverts, presque tendus, avec une fascination érotique et gourmande, perceptible et intense, protégée qu’elle est par la barrière des rails.

83.     Lausanne, 26 mai 2017

Jeux d’eau. Dernière un autocar stationné à la gare routière de Lausanne, sans se douter que l’endroit donne sur un chemin pédestre, un gamin de huit ou neuf ans, très rondelet, pantalons et slip sur les chaussures, est en train de pisser. Or c’est sa mère qui lui tient l’instrument. Il faut dire que pendant ce temps l’enfant continue à pianoter fébrilement sur sa console vidéo ou son téléphone portable.

105.   Département de l’Isère, 4 septembre 1997

J’ai traversé un champ fauché où pépiaient des oiseaux. Leur chant a continué plus loin, certains s’étaient pris dans mon dérailleur. Quand j’arrêtais de pédaler, ils se taisaient. Quand je recommençais, ils recommençaient. Alors j’ai mis de l’huile sur la chaîne et sur les pignons. Les oiseaux se sont tus. Je croyais les avoir libérés, en fait ils s’étaient noyés dans la graisse.

107.   Auvergne, 21 juin 2000

Dans un cimetière auvergnat, j’ai vu un Christ-cadran solaire. Manchot, il donnait l’heure, mais pas les minutes.

119.   Marseille, 5 janvier 2010

Dans le bus, une fille est assise sur l’espace surélevé qui domine les roues avant du véhicule. Dépassant de son sac, un classeur arbore une étiquette troublante, écrite à la main, bien visible : « Copie du mensonge ». Peut-être une comédienne ?

129.   Lyon, 4 octobre 2017

Une vieille à tout petits pas, l’air un peu las, un peu ailleurs, semble aller quelque part. Tous les dix mètres, quelquefois avant — quand elle a déjà oublié s’être arrêtée sur cette distance —, elle s’immobilise et jette un coup d’œil au fond de son vaste cabas, presque vide, apparemment pour s’assurer qu’elle n’a rien oublié, mais déjà elle oublie, s’arrête, se rassure, repart. Sa route est encore longue. Se rappelle-t-elle où elle va ?

138.   Sulina, delta du Danube, 19 août 2003

Suite à un pique-nique sur la plage, je m’endors avec les mains sur la poitrine et me retrouve plus tard avec des marques de soutien-gorge en forme de gants. Je croyais qu’il n’y avait que dans les bédés offertes par le droguiste de mon enfance que ce genre de choses arrivait.

142.   Ouagadougou, 1 mars 1997

Dans l’après-midi, sans doute à la recherche d’un ministère pour obtenir une autorisation de filmer, je vois d’abord un vautour qui déambule dans une sorte de contre-allée, puis un enfant qui s’en approche et qui joue curieusement avec lui. J’ai surtout l’impression qu’ils discutent ensemble, dans un langage non verbal auquel l’enfant m’intègre aussitôt. Il y a quelque chose de très étrange dans cet échange à trois. J’adresse quelques mots en français à l’enfant, il n’a pas l’air de comprendre — il est pourtant rare de trouver à Ouagadougou des enfants d’une dizaine d’années qui ne parlent pas français, surtout parmi les garçons, plus généralement scolarisés que les filles.

Un peu après quelqu’un, par gestes, veut me faire comprendre que l’enfant est simple d’esprit.

Plus tard j’apprendrai qu’en réalité, l’enfant est sourd-muet.

150.   Vers Nampula, 22 mars 2008

Quand j’étais petit je croyais qu’on avait sur la tête un seul endroit où l’on pouvait se faire la raie dans les cheveux, une raie qui alors délimitait toujours clairement les cheveux de gauche de ceux de droite. Je dois chaque fois me rappeler qu’en réalité il n’en est rien. La preuve : quelque part dans le ciel mozambicain, la raie, notre hôtesse de l’air se l’est joliment faite en un zigzag décoratif très précis !

151.   Vers Île du Mozambique, 22 mars 2008

Chapa, nom qu’on donne ici au taxis-bus, signifie tôle, tôle ondulée. Cela vient-il du temps où les taxis-bus étaient alors des estafettes Renault, ou plutôt de l’état des pistes que ces chapas parcourent ?

À l’intérieur du mien, une fois que les corps se sont encastrés, on trouve sa place et le voyage de trois heures en devient beau. Une demi-fesse au bord d’une demi-banquette bien occupée, je sers de dossier, un petit peu de chaise aussi, à une belle jeune femme bien enveloppée mais au grain de peau très doux. Derrière nous, révélée par des cris qui s’annoncent être des gloussements authentiques, une vieille abrite sur ses genoux mais sous son sac, une poule. J’ai le sentiment que pour cette vieille, ce volatile tient lieu d’animal de compagnie. En suivant un geste qu’elle vient d’amorcer vers les boutons de sa chemise, je crains un instant qu’elle ne lui donne le sein !

165.   Antananarivo, 3 avril 2008

Service social. Antananarivo, nuit. Deux cartons ondulés à plat sur le bitume. Sur le premier, une femme endormie. Sur le second, trois bébés alignés. S’agit-il d’une nichée de triplés ? Non, c’est une halte-garderie. Plus loin, sur d’autres trottoirs, les vraies mères rassurées font leur travail de belles de nuit.

229.   Golfinho Branco, 30 décembre 2012

Autour des fêtes de fin d’année, l’espacement des hamacs ne respecte plus les cinquante centimètres réglementaires, leur densité augmente nettement, et sur deux ou trois épaisseurs. Les corps se rencontres, se caressent, se coudoient — dans l’étymologie du mot — et balancent sur un même tempo. Des hamacs apparaissent et disparaissent dans la nuit, au gré des étapes ou de la fantaisie des gens, tout en douceur et sans bringues.

241.   Golfinho do Mar, 9 janvier 2013

Lecture faciale. Ici, sur les visages des gens, sur les visages qui vieillissent, j’ai tout loisir de lire la scénographie de la tragédie humaine. Mais ils peuvent, eux, toujours se réfugier dans le souvenir heureux de leur enfance. Et quand ils dorment, alanguis dans leur hamac, ils gagnent presque tous une aura magique.

252. Salvador di Bahia, 16 janvier 2013

Ici, dans le petit funiculaire qui relie la ville basse à la ville haute, je constate qu’avoir une grosse poitrine sert à beaucoup de chose, comme porte-monnaie — c’est presque exclusivement des billets —, porte téléphone, et porte autres choses que je ne suis pas allé contrôler.

289.   Rio, 19 février 2013

Un nez pour la vie. Un peu partout, souvent dans des endroits qui d’abord paraissent insolites, montent de formidables odeurs de fermentation, fermentation naturelle de fruits pourrissants. C’est drôle, je préfère les odeurs des drogues aux drogues elles-mêmes, fumets de marijuana, torréfactions du café. L’odeur de sexe au sexe. L’odeur de l’amour à l’amour. L’odeur de la vie à la vie ? Juste un peu à côté ?

À Ouro Preto, j’ai bu une bière avec un couple de Français qui étaient « nez », d’après eux chez le plus sélectif des quatre seuls fabricants de chocolat au monde. Il existe des nez pour le tabac. Pourquoi ne serais-je un nez pour la vie ?

307. Mexico, 2 octobre 2015

Parmi les démarcheurs ambulants, il y les vendeurs d’électrocution. On met les deux index dans deux tubes et on se fait secouer. Cela ne sert absolument à rien, si ce n’est peut-être à prouver sa virilité quand le voltage augmente.

308.   Mexico, 2 octobre 2015

Maintenant il fait nuit, la foule s’est dispersée, les passants épars semblent glisser sur les dalles polies dans un monde de silence souligné par la présence de deux gaillards qui, à un mètre vingt de distance, sont en train d’échanger dans la langue des signes. Le plus jeune tient une bouteille de Coca, ce qui complique les choses. Je ne connais rien de plus sereinement aérien que la langue des signes.

311.   Querétaro, 6 octobre 2015

Les saints des églises d’ici sont tout aussi sanguinolents, tout aussi tourmentés que ceux du Brésil d’il y a trois ans, mais ils gardent toujours une lueur bon enfant et un peu de sensualité heureuse. Ceci même quand, femmes, seins nus, ils sont, jusqu’aux aisselles, la proie de flammes en bois polychrome.

331.   Oaxaca, 15 octobre 2015

En rentrant à mon hôtel, j’ai vu un gamin qui discutait avec un pigeon mort pour savoir s’il était mort ou pas.

337.   Salina Cruz, 18 octobre 2015

Je viens d’apprendre ce que nous Suisses avons voté. J’hésite à rentrer !

338 . Puerto Escondido, 22 octobre 2015

Suissitude. Puerto Escondido au printemps, c’est aussi mort que ce que doit être Knokke-le-Zoute en hiver. Je crois que j’ai le nez pour dégoter les bons coins pour manger : un peu en dehors, un peu plus haut, un peu déglingué, rudimentaire, avec vue sur l’océan et un poisson garanti du jour et parfait.

La serveuse de l’endroit me demande si je suis Argentin — faut croire que je progresse !

Quand je réponds :

– Suiza.

Elle s’écrie, mais dans sa langue bien sûr :

– Ah ! Ce pays où on n’aime pas les immigrants ?

Dans tout le pays, les urinoirs des lieux publics s’appellent HELVEX. C’est un hommage à notre hygiène, pas à notre générosité !

 

 


Courrier à l'auteur: E-Mail

Page de garde

 

V:17.06.2021 (27.06.19)