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Olivier Sillig

Panne perdue                        Texte complet (.pdf)

Pièce en trois actes, un comédien, une comédienne.

 

Auteur

Olivier Sillig 

Genre 

Théâtre, drame en trois actes 

Durée 

~80 minutes

E-Mail 

info@oliviersillig.ch 

H-page

http://www.oliviersillig.ch

Droits
 Olivier Sillig et SSA

 Sommaire

    1. Synopsis
    2. Extrait
    3. Texte complet (.pdf)

Synopsis

En panne de voiture sous la pluie, une femme va frapper à l'unique maison éclairée d'un hameau perdu de la Lozère. Un homme seul vient lui ouvrir. Peu à peu ils découvrent qu'un attentat terroriste vieux de 15 ans les réunit, terriblement.

Extrait

Copyright Olivier Sillig / SSA
 

Acte 1

[...]

MARIE
Y a longtemps que vous êtes ici?

LUC
Longtemps? Oui, peut-être. Très.

(il met en marche le cassetophone et l'éteint aussitôt)

MARIE
Vous êtes tranquille ici.

LUC
Vous me trouvez nerveux?! Excusez-moi, je suis pas... pas très sympa.

MARIE
Au premier abord, pas vraiment.

LUC
Après, c'est pire.

(il attrape vers la cuisine un bocal de pharmaceutiques et avale quelque chose)

MARIE
Quelle saleté de pluie!

LUC
Ça amène de la visite.

MARIE
Merci!

LUC
Ça ne me dérange pas que vous soyez là.
Le type qui vous attend...

(il se ravise)
Votre voiture, c'est quoi? une Citroën?

MARIE
C'est mon ami. Mais la panne ne va rien arranger.
De toute façon...

LUC
J'ai demandé la marque de votre voiture!
 

MARIE
Ah! oui! Le reste, ça vous fait chier? Parlons de ma voiture. Vous avez vu juste, c'est bien une Citroën. Parce que j'ai la tête à avoir une Citroën? J'ai une tête à deuche? Mais y a plus de deuche, c'est une Ax.

LUC
J'avais reconnu le moteur.

MARIE
Parce que...

LUC
Je les entends passer et je les reconnais. Quand j'étais...

(il se reprend)
Avant, c'était un jeu, une occupation. Maintenant ça m'est resté. Même quand je lis. Même avec ...

(il se retient de parler des Valium)
Vous voulez quelque chose d'autre?

MARIE
Ils sont bons vos fromages.

LUC
C'est des gars du coin qui les font.

MARIE
Des amis?

LUC
J'ai pas... Enfin, si vous voulez. Ils me considèrent comme tel. Sans doute. Je bois des verres avec eux quelquefois. Même avec le maire. Il trouve que j'ai de la conversation. Et il ne me demande rien et ne me fait pas chier. Il croit que... Je ne sais pas ce qu'il croit. Il pose pas de question. Tout est en règle.

MARIE
Ah!

LUC
Exactement!

Silence

MARIE
Et... vous, vous faites ... Vous faites quoi...

LUC
Dans la vie? Et vous?

MARIE
Je suis administratrice.

LUC
Dans l'immobilier? Beeh!

MARIE
Administratrice d'une association, secrétaire d'une association.

LUC
Caritative?

MARIE
Si vous voulez.

LUC
Je vois

MARIE
Macramé robe qui pique. Baba. Ringarde?
Vous n'êtes pas beaucoup mieux.

LUC
Les Amis du Sahel?

MARIE
L'AAV

LUC
Lav?

MARIE
L'AAV. C'est pas très réussi comme sigle. Au tribunal ils ne se privent pas de leur jeu de mots stupide: L'AAV ment.

(Luc rit)
Tiens! Vous savez rire!

LUC
Lav. L.A.V c'est quoi?

MARIE
Association d'Aide aux Victimes.

LUC
Excusez-moi.

(long silence)

MARIE
Mais c'est pas forcément facho. On peut être de gauche et être une victime.

LUC
Oui, j'ai rien dit.

(silence)
Et puis, de gauche ou de droite, rien à foutre.Aucun sens, plus aucun sens!

MARIE
Oui.

Luc va mettre de la musique, se rassied, retourne éteindre la musique, se replonge dans son livre.

LUC
Si vous voulez dormir, ne vous gênez pas. Vous pouvez vous mettre sur le lit, je prendrai le canapé.

Il se lève avec son livre et va s'installer sur le canapé.
 

LUC
Je ne travaille pas.

MARIE
Je comprends.

LUC
Quoi?

MARIE
Rien, vous ne travaillez pas.

LUC
Non, je ne suis pas au chômage.

MARIE
Bon.

LUC
Je ne suis pas non plus à la Sécu. Mais je pourrais, mais je ne peux pas. Pourquoi vous êtes secrétaire de votre association, la LAV?

MARIE
L'AAV. Je dois travailler

LUC
Vous. Je vois.
Votre ami?

MARIE
Mon ami? Il est journaliste. Quand l'association a décidé d'avoir un permanent, ça tombait bien. De toute façon j'étais tout le temps fourrée là-bas. J'en avais besoin, ça maintenait un lien et je croyais en avoir besoin. J'en avais sans doute besoin.

LUC
Je vois.

MARIE
J'ai été victime. Enfin indirectement. Si on veut bien. Enfin, très directement.

LUC
J'avais compris. Vous connaissez la région?

MARIE
Quelle région?

LUC
Ici.

MARIE
Ici? C'est quelle région ici? On est où? Avec la pluie, la nuit et la panne, je ne m'en suis même pas rendu compte.

LUC
La Lozère. Alors, pourquoi vous n'avez pas pris l'autoroute?

MARIE
C'est idiot, mais l'autoroute me fait peur.

LUC
Y a pourtant trois fois moins d'accidents.

MARIE
Oui, bien sûr. Mais on les vois trois fois plus. Les ambulances, le samu., la police, les feux tournants.

Marie est passée derrière une bibliothèque.
 

MARIE
C'est quoi ça.

LUC
Rien. C'est ma collection.

MARIE
Vous êtes collectionneur?

LUC
En me promenant, j'ai commencé à les ramasser. Petit à petit c'est devenu une collection. Bien que c'est pas du tout touristique par ici, y en a plein. Celles de maintenant contiennent de moins en moins de fer, elles ne rouillent presque plus et sont beaucoup moins belles.

Marie apparaît en tenant un carton blanc sur laquelle est épinglée une canette de coca écrasée et rouillée.

LUC
La rouille fait des dessins superbes avec le texte, une gamme de couleurs terrible.

MARIE
Y a un artiste Italien qui a exposé des chats écrasés, tout secs, ramassés au bord des routes.

LUC
C'est dégueulasse. Ce n'est pas la même chose.

MARIE
Vous, c'est plutôt genre voitures défoncées?

LUC
Voitures défoncées? J'ai jamais parlé de voitures défoncées.

MARIE
Non, mais de tas de ferraille tordue.

LUC
Ah oui, j'ai parlé de tas de ferraille.

MARIE
Parce que vous vous en foutez de tout?

LUC

(parlant du cadre avec la canette)
Pour ça?

MARIE
Ça et les tas de ferraille.

LUC
Parce que je m'en fous de tout! Oui, je m'en fous de tout.
Quasiment.
Vous dites ça parce que je ne vous ai pas posé de question sur votre association? Ecoutez, je sais que je suis désagréable. Mais je ne vous ai rien demandé. Votre voiture est en panne sous la pluie; ici, il ne pleut pas, voilà!

MARIE
Merci. Merci, vous pouviez difficilement faire autrement, je sais.

LUC
J'aurais pu vous recevoir avec un fusil de chasse. Ou mettre un écriteau " Villa piégée ", ça se fait beaucoup dans le coin. Mais ce n'est pas désagréable.

MARIE
Désagréable?

LUC
votre... visite. C'est pas désagréable de parler. Avec quelqu'un, avec vous. Juste un peu difficile.

MARIE (désignant le flacon pharmaceutique)
C'est pour ça que vous carburez au Valium?

LUC
Que je carbure au Valium?

MARIE
J'ai vu tout à l'heure votre petite collection de flacons vides dans l'armoire, à côté des poubelles. Vous buvez pas de vin mais vous vous saoulez avec ces machins.

LUC (qui se lève)
Je carbure au Valium, oui Madame, du matin au soir.

(Marie fait une moue)
Et aussi du soir au matin.

(il fredonne)
La lune attend, la lune attend, la lune attend mais le soleil ne le sait pas.

MARIE
Ça passe.

LUC
Ça passe pas. Ça fait déjà...

MARIE
Moi aussi, un temps j'en ai pris.

LUC
Un temps. Vous avez eu de la chance.

MARIE
Si vous voulez! Le Valium, c'est rarement une chance!

LUC
Non. Oui. Peut-être aussi. Mais c'est pas ça qui m'empêche de parler, d'avoir envie de parler quelquefois. Chez Jo, je parle quelquefois, les autres souvent. C'est tout à fait supportable.

MARIE
Mais moi je vous fais p...

LUC
Vous? Non, vous ne me faites pas peur. Ce n'est pas vous.

(Il est devant une des fenêtres et se désigne à lui-même dans la vitre)

[...]


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V:06.11.07 (13.01.99)