Olivier Sillig


Skoda

Le bref périple d'un déserteur et d’un bébé dans une des guerres, récentes et absurdes, que l’Europe a générées.


Auteur

Olivier Sillig 

Genre

roman

Éditeur

Buchet / Chastel

Descriptif

ISBN: 978-2-283-02522-2, 102 pages.

Version  allemande ISBN : 978-3-03762-023-6 / Bilgerverlag
Version en espagnol
ISBN : 978-607-420-185-7 / Editorial Praxis (Me)



couverture



La 4ème de couverture

Un jeune homme reprend conscience. Autour de lui gisent ses  camarades d'infortune. L'histoire se passe de nos jours, dans un pays qui n'est pas nommé.

À quelques mètres, une voiture, une Skoda - elle aussi victime du raid aérien. À l'intérieur, un bébé respire encore. Après quelques hésitations, l'homme prend l'enfant dans ses bras et part sur la route. Notre monde et sa violence. Mais aussi, le lien qui se crée entre un jeune homme et un enfant. La beauté de la vie contre l'absurdité de la mort.

Olivier Sillig vit en Suisse, Il a publié, entre autres ouvrages, Bzjeurd, aux éditions de l’Atalante.



 


Extrait

[...]

À peine plus loin, il y a une voiture. Elle est arrêtée. Une portière est ouverte. Peut-être ses occupants savent-ils ? Stjepan se lève. Il n'a mal nulle part, pas même à la tête. Il regarde encore une fois ses camarades. Dragan, Milivoj, Ivan sont morts, tout à fait morts. Aussi Ljubo, cela se voit maintenant, même s'il semble sourire encore. Stjepan ne veut pas rester ici. Un instant, il songe qu'il devrait les enterrer. Les éléments lui dictent la réponse, le paysage, le sol dur. On ne creuse pas la terre avec une kalachnikov. Des gens, ou l'armée, ou les milices passeront et s'en occuperont. Sinon ce sera les oiseaux. Pas les cigales, les cigales ne mangent pas la chair humaine. Stjepan ignore ce qu'elles mangent. Les cigales, on les entend tout le temps mais c'est rare qu'on les croise. On les côtoie sans les connaître, comme beaucoup de gens ou de groupes de gens, même proches.

 

 

Stjepan descend sur la route de terre battue. Il se dirige vers la voiture. Ses occupants pourront peut-être lui raconter.

 

 

La portière arrière, du côté des accotements, est ouverte. Des jambes de femme en dépassent. Elles sont nues. Ces jambes de femmes nues et blanches mettent tout à coup Stjepan en colère ; à cause de Dragan, Milivoj, Ivan et Ljubo morts. Il a envie de demander un peu de décence. Mais il se penche et passe la tête à l’intérieur. C'est une jeune femme. Elle est morte, elle aussi. Elle aussi, comme Dragan, Milivoj, Ivan et Ljubo. Elle était en train de nourrir son bébé.

 

 

Stjepan est distrait par le chauffeur. La voiture n'a plus de pare-brise ; seuls quelques morceaux de verre sont restés accrochés. C'est une vieille voiture, la couleur noire en souligne l'âge. Le conducteur aussi était en noir. Son chapeau peut-être aussi, mais il n'a plus de chapeau. La voiture n'a plus de vitre, le chauffeur n'a plus de chapeau. Il n'a plus de tête non plus. Son cou vide gargouille encore un peu. C'est certainement le même obus qui les a tous atteints. La femme sur le siège du passager, sans doute la femme du conducteur, a, elle, encore son chapeau, mais elle est tout aussi morte. Stjepan se penche et lui tourne légèrement la tête ; comme de la peinture le long d'un pot en fer-blanc émaillé, un peu de sang sèche sous ses lèvres.

Ils sont tous morts, le père, la mère, et la femme la jeune mère. C'est une jeune mère, c'est évident puisqu'elle donnait le sein ; le bébé est toujours là, accroché au tétin. Il est immobile lui aussi, mais Stjepan voit tout de suite qu'il n'est pas mort. Il dort, tout simplement. En se réveillant, il cherchera sans doute à téter encore. Il pourra peut-être le faire. Si Stjepan ne sait pas grand-chose sur le sang et la circulation sanguine, il en sait encore moins sur le lait, la lactation et la mort.

 

 

Stjepan va s'en aller. Avant cela, il contourne la voiture jusqu'à la portière du conducteur. L'homme porte bien une chemise, mais tous ses habits sont en train de se gorger de sang. Stjepan hausse les épaules et s'éloigne. Pourtant, après quelques pas, il s'arrête et revient en arrière.

 

 

Bien que défoncé, le coffre s'ouvre. Comme Stjepan s'y attendait, il y a une valise – les gens fuyaient. Dedans, il y a des habits, certains appartenant à l'homme. Stjepan trouve une chemise blanche en toile épaisse et longue, elle a déjà bien servi, mais elle est propre et repassée, c'est une belle chemise. Aussi un pantalon, un pantalon de paysan, à l'ancienne, un pantalon pour le dimanche. Même une paire de chaussures. Elles sont trop petites, Stjepan gardera ses souliers militaires. Il prend encore une veste en laine, tricotée serré. Il ne fouille pas plus loin, il n'a besoin que de vêtements. Ah ! Peut-être aussi les papiers du type. Ils pourront lui être utiles. Surmontant sa gêne, il revient au mort sans visage et sans tête. Dans le gilet, il trouve un portefeuille, avec de l'argent aussi. Stjepan ne prend que les papiers, il n'est pas un profanateur. Il cache les restes de son uniforme sous la voiture. Il jette un œil sur le bébé qui dort toujours, qui rêve peut-être. Stjepan a l'impression qu'il sourit. C'est tout.

 

 

 

Stjepan s'examine un instant dans le rétroviseur extérieur, miraculeusement épargné, et part.

Aussitôt, dans sa tête, une petite voix se met à parler :

« Si le bébé s'était mis à pleurer, qu'est-ce que tu aurais fait ? »

Il accélère un peu le pas mais la voix revient à la charge :

« Et si le bébé s'était mis à pleurer ?

– Mais il ne pleurait pas.

– D'accord, mais si ?

– Mais il souriait comme un bienheureux.

– Combien de temps ça peut tenir un bébé si jeune ?

– Quand des soldats arriveront, ils s'en chargeront.

– C'est ça ! C'est leur job pendant que tu y es !

– Non, ce n'est pas leur job. Mais comme je suis moi-même militaire, ce n'est pas mon job non plus. »

Stjepan regarde sa chemise blanche. Il n'en a jamais eu de si belle, faut dire qu'il ne s'habillait pas le dimanche, préférant flâner en training. Maintenant il est en chemise blanche, pas en uniforme ; il n'est plus un militaire, il est un civil.

« Et les civils, est-ce que ça s'occupe de bébés ? »

La voix est insolente, la réponse est simple. Stjepan sent que son élan est cassé, qu'il ne va plus pouvoir avancer. Alors il retourne encore à la voiture. Il évite de regarder les jambes de la jeune mère, parce qu'elles sont belles, que c'est du gâchis parce qu'elle est morte. Il se penche sur l'enfant et le prend avec une délicatesse infinie, lui qui n'a jamais touché de bébé, ou alors juste pour s'amuser lors du baptême du fils d'une cousine. À côté, il y a un sac, heureusement avec une courroie, qui contient des affaires de bébé. Il a été épargné, même pas une giclée de sang. C'est des trucs qui lui seront nécessaires. C'est pas pour lui, c'est pour l'enfant. Il le passe sur l'épaule, la veste coincée dessous. Il reprend l'enfant, toujours maladroitement mais très doucement. L'enfant ouvre un œil.

Stjepan lui dit :

« Salut, toi. »

Évidemment, l'enfant ne répond pas. Stjepan estime que le bébé a trois ou quatre semaines, mais il n'y connaît absolument rien.

« Et tu t'appelles comment ? »

Stjepan ne sait même pas si c'est un garçon ou une fille ; ce n'est pas le moment de regarder. Cette fois, il part. Mais il réfléchit à ce problème : garçon ou fille. La voiture qu'ils ont abandonnée, ça lui revient tout à coup, c'était une Skoda. Stjepan n'est pas très certain que Skoda soit un vrai prénom, mais ça sonne comme. Et ça peut aller aussi bien pour un garçon que pour une fille.

« Salut Skoda ! »

[...]


 

A possible excerpt in English (un extrait en anglais)

            Lien spontanné : http://www.bestsellersbuy.com/reviews/skoda-olivier-sillig/

[...]

Stjepan is reviews a moment in the rearview mirror outside, miraculously saved, and hand.
Immediately, in its head, a small voice began to speak:
“If the baby was crying, that is what you would have done?”.
It speeds up a little step but the voice is equivalent to the load:
“And if the baby was put to cry?”.
- But it was not crying.
-Okay, but if?
- But he was smiling as a blessed.
-How long it can take a young baby?
-When the soldiers arrive, they had to undertake.
-This is it! It is their job while you’re there!
-No, this is not their job. But as I am myself military, this is not my job. »
Stjepan looks at his white shirt. He never did of beautiful, must be said that he is dressed not Sunday, preferring to hang out in training. Now it is in white shirt, not in uniform is no longer a member, it is a civilian.
“And civilians, is that it takes care of babies.
The voice is rude, the answer is simple. Stjepan feels that momentum is broken, that it is more able to move forward. Then he returned again to the car. They don’t look at the legs of the young mother, because they are beautiful, that it is of the mess because she died. It focuses on the child and takes with an infinite, delicacy that has never affected baby, or then just for fun at the baptism of the son of a cousin. Next, there is a bag, fortunately with a belt, which contains cases of baby. He was spared, even not a giclée of blood. This is stuff that will be needed. It is not for him, it is for the child. It passes on the shoulder, the trapped below jacket. He resumed the child still awkwardly but very slowly. The child opens an eye.
Stjepan said: “Hi, you.”.
Of course, the child does not respond. Stjepan considers that the baby is three or four weeks, but he knows absolutely nothing.
“And you call you how?”.
Stjepan does not even know if it’s a boy or a girl is not the time to look at. This time, he left. But it reflects on this problem: boy or girl. The car they were abandoned, it is all of a sudden, dune Skoda. Stjepan is not certain that Skoda is a true first name, but it sounds like. And it can go as well for a boy to a girl.
“Salvation Skoda!

[...]


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© textes et illustrations: CinÉthique, Olivier Sillig.


Courrier à l'auteur: E-Mail
http://www.oliviersillig.ch

 

V: 17.06.2012  - V0 13.05.2011