Garcia et le vautour Texte complet (.pdf)
Olivier Sillig
Auteur |
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Genre |
Théâtre, tragi-comédie |
Durée |
~80 minutes |
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H-page |
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Droits |
Olivier Sillig et SSA |
Sommaire :
Cet hiver, deux
ans plus tard, j’ai repris. En m’appuyant toujours
sur l’idée, vraie je crois, que rien de ce qui est humain ne m’est
étranger,
nous est étranger, nous humains, nous aussi, auteurs, comédiens,
metteurs en
scène. En puisant dans ma petite musique de nuit, je me suis laissé
porter par
ce thème, la torture, comment on devient tortionnaire, le rapport entre
victimes résistantes et bourreaux patibulaires. Dans le grotesque, j’ai
cherché
à dénicher aussi l’humanité. Je suis arrivé au but, plutôt
étonné et assez content.
En marge de la scène :
Voltoio
Dieu du ciel (et des oiseaux) ! Qu’est-ce que c’est que tout ce ramdam, tout ce boucan, tout cet équipement qui s’amène ? Serait-on en train d’installer un derrick ? J’espère bien que non, pas de marée noire dans mon beau désert !
Mais que diable fabriquent-ils ? Qu’est-ce qu’ils construisent ? Je n’ose pas approcher, bien trop d’agitation ! Oh là, là ! Oh, là, là ! Quel effort, quel bel effort ! Ho hisse ! Oh hisse !
Un phare ? Un sémaphore ? Une arrivée de téléphérique ? Un piédestal ? Un ring ? On dirait un ring. Ça se calme, j’approche !
Apparition de Garcia et du ring.
Après avoir exploré l’espace délimité par les cordes qui ceinturent le ring ainsi que l’espace alentour, Garcia attrape un crucifix et un fouet. Il se flagelle avec.
Garcia
C’est ma faute, c’est ma très grande faute ! Seigneur, c’est ma faute !
Au ciel :
C’est comme ça qu’il faut dire ?
Garcia se flagelle à nouveau :
C’est comme ça qu’il faut faire ?
Contrition. Seigneur, j’ai péché (beaucoup) ! J’ai tué (beaucoup), raflé les fonctions et les biens d’autrui (pas mal), leurs femmes (plus d’une fois). Seigneur, j’ai usurpé le pouvoir (c’est vrai) et j’en ai abusé (agréablement). C’est ma faute, c’est ma faute ! C’est ma faute ? Enfin presque.
Seigneur, je réclame pénitence !
Seigneur, j’avoue av !…
Découvrant Voltoio, qui vient d’atterrir sur ring, Garcia se fige et se tait.
Voltoio
Bonjour.
Silence.
Bonjour ! Tu es une nouvelle visite ? Drôle d’arrivant. Tu es… Tu es qui ?
Silence.
Bon, d’accord. Tu as raison, faisons montre d’hospitalité. Je me présente.
Bonjour, je suis Voltoio.
Silence.
Voltoio. Amusant non ? Mon père, qui prétendait avoir de très improbables origines italiennes, avait décidé que le dernier fils de sa nichée s’appellerait Voltoio. Un oiseau de passage, migrateur lui, et donc digne de foi, lui a pourtant appris que vautour en italien, cela ne se disait même pas Voltoio. Il a expliqué qu’en italien Voltoio était une pièce très précise et méconnue du harnais des chevaux, celle où l’on fixe les clochettes. Mon père a paru ravi : Mon fils sera le petit grelot de notre nid ! Cela explique sans doute pourquoi j’ai dû être le plus joyeux. Et essayer d’être le plus amusant.
Mais, au demeurant, vautour je suis, vautour je reste ! Voltoio. Bienvenue à toi, noble… étrange étranger !
Silence.
Non ? Toi, qui es-tu ? Tu ne veux pas me le dire, dans ce drôle d’accoutrement, sur cette drôle de plateforme ? Tu n’as pourtant pas l’air d’un boxeur…
Garcia
Tu ?...
Voltoio
Je ?...
Garcia
Tu ?… Tu es un oiseau ?
Voltoio
Un oiseau ? Certes. Un vautour, je l’ai dit. Nous ne jouissons pas d’une très bonne réputation, mais c’est une fausse renommée, nous sommes doux comme des agneaux, parfaitement inoffensifs, voire utiles.
Garcia
Un oiseau…
Au ciel :
Seigneur ? J’ai fait vœux de silence… Mais à l’égard des hommes, pas à l’égard de tes créatures inférieures…
Ton saint ?...
Voltoio-Dieu
Francesco.
Garcia
Saint Francesco, c’est ça, parlait bien aux animaux. Je peux ?
Voltoio-Dieu
Certes, tu peux, car il est dit qu’en chaque animal, même le plus insignifiant, mais aussi les plus grands (comme les vautours), je réside…
Garcia
Comme tu résidais en ceux que j’ai fait zigouiller. Alors, je peux ? Chouette !
Alors, bonjour vautour Voltoio. Je me présente. Je suis un saint ermite. En formation. Un pénitent. Je suis… Je suis, ou j’étais, jusqu’à ce que je me dépouille même de mon nom, le terrible Miguel Garcia !
Voltoio
Miguel Garcia ? Miguel Garcia ? Miguel Garcia, il y en a des pellées sur tout le continent. Attends ! Je me sens des fourmillements dans les pieds, dans mes serres. La mémoire de l’eau, la mémoire des fils électriques, des fils du télégraphe sur lequel j’aimais à me percher avant que n’arrive cette superbe installation !
Voltoio désigne le ring.
Miguel Garcia, le Colonel Miguel Garcia, le sinistre dictateur !
Garcia
Lui-même ! Désormais saint ermite ! Stylite, perché au sommet d’une colonne plantée au milieu du désert pour expier tous mes péchés.
C’était ça, ou le peloton d’exécution. Le peloton, je ne connais que trop (du bon côté, jusqu’alors). C’est moi qui ai eu cette idée, cette idée de pénitence. Elle soulage bien mon successeur. Entre gens du milieu, on préfère s’arranger un peu, un dictateur peut toujours en cacher un autre. Et vice-versa.
Garcia se flagelle à nouveau :
Seigneur, c’est ma faute !
Ça fatigue, ça fatigue le bras. Tu ne veux pas me relayer ? Tiens prends ! Bats-moi !
Le fouet change de mains.
Voltoio
Non, je regrette, ce n’est pas mon genre. Je suis doux comme un oiseau. Ou alors, il me faudrait des raisons pour personnellement te haïr ! Or, pour l’instant, tu m’offres plutôt une distraction, tu m’amuses.
Tiens, reprends !
Garcia
Des raisons de me haïr, si ce n’est que ça, je vais t’en donner !
Garcia lève le fouet mais semble entendre une voix céleste.
Non ? Non, c’est vrai, je suis un pénitent !
Voltoio
Et moi, un oiseau !
Démonstration de sa capacité d’évitement.
Garcia (se donnant quelques coups)
Pénitence ! Pénitence !
Attends ! Au moins, je peux te raconter. Tu seras mon confesseur. Tu verras, cela suffira largement à me haïr.
Je commence…
Je commence où, par quel bout ?
Par la musique, d’accord ? C’est joli la musique ? Tu aimes la musique ?
Oui, alors j’y vais.
Bon ! La musique, c’est joli, c’est pourquoi j’ai voulu intégrer la Fanfare.Courriel de l'auteur: info@oliviersillig.ch
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