Le Temps / 5.09.2011
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roman lundi5 septembre 2011 «Skoda», ou la guerre avec un nourrisson dans les bras
Par Isabelle Rüf Avec «Skoda»,
Olivier Sillig propose son roman le plus fort
Les occupants de
la voiture aussi sont morts. Sauf ce bébé qui tète sa mère. Ce qui se passe
ensuite, Olivier Sillig va le raconter par petites phrases courtes, au
présent. Des gestes, des faits, très peu de sentiments, pas de commentaires.
Juste, au début, une voix intérieure, narquoise, insistante, qui force
Stjepan à s’encombrer du nourrisson. Il lui donne un nom: Skoda, la
marque de la voiture où il l’a trouvé. La nuit est tombée, il y a des
étoiles, des collines, une forêt. Stjepan marche. L’enfant dort. Plus
tard, il pleure. Il pisse. Il a faim. La réalité s’impose. Le soldat
trouve des solutions, simples, qui ne suffiront pas longtemps. Mais pour le
moment, ça va. Les deux font des rencontres, elles pourraient être mortelles,
elles ne sont pas toujours amicales, c’est chacun pour soi, sauf ce
bébé qui sait forcer l’attention des grands. Il y a des scènes
dures, la guerre n’est pas une promenade de santé. En cela, Skoda
rappelle un peu Le Grand Cahier, d’Agota
Kristof. Par la sobriété dans l’horreur, par le pragmatisme. En moins
désespéré. Dans Skoda, il y a par moments la simplicité des contes, leur évidence.
Mais tout ce qui se passe est possible, rien de surnaturel, des histoires de
pays dévasté comme il y en a des milliers. Des souvenirs d’enfance
reviennent, pas de très loin, Stjepan a vingt ans. Des hirondelles que,
gamins, avec ses copains, ils avaient essayé de sauver. Comme ce bébé. Il y a
dans Skoda une force des couleurs, des sons. Les images ont des contours
d’une netteté qui éblouit: ce pourrait être un film, très peu de
dialogues, des lumières. Olivier Sillig est par ailleurs cinéaste. Ici, avec
peu de mots, il a écrit son livre le plus fort. © 2013 Le Temps SA
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V: 19.04.2014 (19.04.2013)