Olivier Sillig
Je
rentre chez moi. Le soleil des jours qui se rallongent enfin a déchiré la
couverture nuageuse, plus exactement, avec le crépuscule imminent, il est passé
sous la chape de plomb et irradie de son or les passants embellis et amadoués,
sereins. Je croise une connaissance, je la salue, elle passe sans me voir,
pourtant, c'est moi qui vais vers l'ouest, moi qui ai le soleil dans les yeux.
Sans doute est-elle perdue dans des rêveries printanières. Je poursuis ma
route. Croise un ancien collègue, le salue, il m'ignore, peut-être encore
rancunier d'une promotion plus rapide que la sienne. Plus loin une femme que
j'ai connue, un doux souvenir partagé, je crois. Elle aussi, ni vu ni connu.
Puis mon dentiste. Idem. Pourtant je paye régulièrement mes factures et mes
dents sont congénitalement mauvaises. Tout à coup, juste au moment où j'entre
dans l'ombre des maisons, j’ai l'intuition de ce qui se passe. Tout à
l'heure, en sortant de l'immeuble du boulot, je me souviens d'un instant de
flottement. Un instant de transition, comme ces sursauts qui nous saisissent
quelquefois au moment de l'endormissement. J'ai compris. Ah ! c'est donc ça,
la mort: une chape d'invisibilité.
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Master in ..\02_Nouvelles éparses — V: 02.02.2012 (12.01.2012 – février 2011)