Ma bibliothèque idéale (ou pas)



 

 

Dans le cadre de la "Carte Blanche à Olivier Sillig", à la Bibliothèque Municipale de Lausanne, du 1 au 30 avril 2011, nous avons mis à dispostion des lecteurs ma "bibliothèque idéale", augmentée de mes commentaires. Vous les retrouvez ci-dessous,

 

 

Ma biliothèque idéale internationale

•          Emilio Lussu  / Des hommes contre (Un  anno sull'altilpano) / Italie, 1938.

Pour témoigner des guerres mondiales, il y a eu deux Italiens, Primo Levi pour la deuxième, et Emilio Lussu (1938) pour la première. Tous deux ont su, mieux que tous, restituer l’absurdité criminelle et grotesque de ces deux abominations.

 

•          Nadine Gordimer / Un caprice de la nature (A sport of nature) / Afrique du Sud, 1987.

Il y a quelques années encore, par exemple au temps de l’écriture du roman, on aurait facilement qualifié avec un choix d’adjectifs machistes sa jeune héroïne, alors que Nadine Gordimer nous parle d’une femme déjà libérée et moderne. À lire intensément (en vacances par exemple) car le style y est dense.

Pour moi une très bonne introduction à cette Afrique du Sud et ce Sud de l’Afrique où je me trouvais quand je l’ai lu (2008). Une prix Nobel (93) un peu méconnue et inégale.

 

•          Mario Vargas Llosa / La fête au Bouc (La fiesta del chivo) / Pérou, 2002.

Je le pensais déjà bien avant que Llosa ait reçu son prix Nobel (2010) : sur un point au moins, nous nous ressemblons. Lui et moi osons des genres et des styles très différents. Lui, burlesque, épique, administratif, journalistique, quelquefois très simple, quelquefois  sophistiqué, mais toujours adéquat.

 

•          Cavanna / Les Ritals  / France, 1978.

Cavanna est né trois ans après mon père, à Paris, dans un monde déjà si proche et si totalement différent. La première fois que j’ai lu ce livre, je n’avais pas encore acquis la nationalité italienne. Cavanna sait raconter le peuple de son père, et translitérer de manière unique leur parler français, ces immigrés souvent mal accueillis, tenus à l’écart, qui ont contribué à la France du vingtième siècle, comme les peuples que nous hébergeons actuellement font l’Europe à venir, sans doute plus fraternelle, plus différente et plus riche.

Vous pourrez  enchaîner avec « Les Russkoffs », du même, un des plus beau romans d’amour (avec le « Dracula » de Bram Stocker).   

  

•          Truman Capote / De sang-froid (In Cold Blood) / USA, 1966.

Aux antipodes des ses premiers romans, écrit par un dandy probablement insupportable, le livre qui l’a ensuite détruit. Une enquête minutieuse sur un fait divers réel et tragique, qui nous fait palper les abîmes de nos âmes humaines et périssables, de part et d’autre du monde judiciaire.

Ensuite vous pourrez visionner le film homonyme du roman, de Richard Brooks (67),  et le film homonyme de l’auteur, de Bennett Miller (98), réunis, je crois, dans un même coffret.

 

•          Jorge Amado / Tocaia Grande  / Brésil

Depuis les années huitante, je me suis pris de passion pour tout un pan de la littérature sud-américaine, j’en ai inconsciemment emprunté des bribes de réalisme magique (entre autres, les pleurs fluviales et les grossesses variables dans ma « Marche du loup », la vie et la destinée de la Chose dans ma « Cire perdue »).

Je suis en train de relire Tocaia Grande. Il faut, hélas, se méfier de ses propres relectures. Mais les livres, comme les films, sont d’abord fait pour leur première fois.     

 

Ma bibliothèque suisse

Sauf Ulrich Bräker, les auteurs suisses ci-dessous sont des amis. En général, je les ai d’abord connus comme écrivains, et appréciés, puis comme amis, même s’il n’y a pas vraiment de relations de cause à effet, et vice-versa. Est-ce clair ?...

 

Dans l’ordre chronologique de mes lectures :

 

•          Michel Bühler / La Parole volée / 1987.

Un livre qui m’a beaucoup touché, par une espèce d’honnêteté profonde qu’il laissait transparaître.

 

•          Ulrich Bräker / Le pauvre homme du Toggenbourg / 1789.

Autobiographie d’un berger de Saint-Gall, devenu mercenaire malgré lui en Allemagne, puis lettré. Sa lecture a semé en moi les germes de mes « Deux Bons Bougres » qui reprennent, de façon romanesque, l’approche ignorée de cette chaire à canon, que les princes gourmands d’alors dévoraient en fournées de trente mille hommes par bataille.

  

•          Sauvan Muong  / Un hôpital pas comme les autres / 2004.

Que les voies et le monde éditorial sont naturellement injustes ! Que ce livre est passé inaperçu (même de la BM) ! Publié presque à compte d’auteur, il raconte de façon insolite et très humaine les camps de détention de l’ère Pol Pot (étonnamment pour nous, l’auteur cambodgien, qui a travaillé à l’hôpital de Morges comme factotum, y parle souvent de ses excréments, comme s’ils avaient été l’horloge ou la météo de ses temps difficiles).  

 

•          Joëlle Stagoll / Par-dessus le Toit / 2004.

Le premier livre de Joëlle que j’ai lu. Le premier de ceux qu’elle a publié. Touchant et prenant. À mon souvenir, peut-être trop précipité, des tas de pistes qu’elle aurait pu développer. Tous ses livres suivants s’arrêtent curieusement au moment où l’histoire va commencer.

  

•          Anne Cuneo   / Portrait de l’auteur en femme ordinaire / 1980-82, 2009

Outre le traducteur Gilbert Musy qui, au sortir de l’école, devait vendre « la Feuille d’avis »  pour aider sa mère à joindre les deux bouts, en lisant ce livre, le meilleur d’Anne, avec « Station Victoria », j’ai découvert que, dans les années cinquante, moi, petit garçon pétant plus ou moins dans le satin, je croisais sans le savoir, perdue dans le cortège d’un orphelinat catholique tout proche, Anne Cuneo. Au-delà de deux mondes totalement différents, je me sens très proche d’elle, enfant ; deux quêtes de sens difficiles (voir mon « Lyon, simple filature »).

Les hasard qui rapprochent font que nous avons actuellement le même éditeur pour nos traductions allemande (Bilger Verlag à Zurich).

 

•          Marius Popescu / La Symphonie du Loup / 2007

Trop gros, trop long ce livre, Marius, par moment maniériste, se perd dans les détails des déplacements d’un simple levier de vitesse. Mais que de passages fulgurants, bouleversants, désappointants, à l’image de cet ami très cher et imprévisible ! 

 

•          Marie-Jeanne Urech / L’Amiral des eaux usées / 2008

Entre Boris Vian et Kafka, où nous nous retrouvons quelquefois (Kafka a été cité par la presse pour mon « Je dis tue à tous ceux que j’aime »). Des textes extrêmement maîtrisés, qui quelquefois m’interpellent sur Marie-Jeanne, que je connais maintenant au-delà du très beau documentaire qu’elle a fait sur trois femmes âgées : « Monotone, mon automne ».  Peut-être lui faudrait-il maintenant explorer d’autres horizons narratifs.

  

•          Nicolas Couchepin / La Théorie du papillon / 2009

Livre intriguant, rude, qui patine un peu, mais aussi très prenant, de la part du responsable de l’antenne romande de notre association (AdS).

 

Les livres qui ne sont pas ma tasse de thé

•          Pascal Mercier / Train de nuit pour Lisbonne.

Je l’ai lu parce qu’une agente culturelle a dit que les deux livres qu’elle prendrait sur une île déserte, c’était celui-ci et un des miens (La Marche du Loup) ; j’en demeure très inquiet ! Ce livre semble n’être que récupération de manuscrits abandonnés, en tous cas un ramassis de prétention narcissique. Je l’ai presque terminé, mais uniquement parce que j’étais en vélo à travers la France profonde.

 

•          Laurent Gaudé / La porte des enfers.

Reader (in)digest de Thorgal, dégoulinant de clichés et de mots sirupeux, en lieu et place des images de la bédé. Je ne l’ai terminé que parce j’étais condamné à un long parcours en train.

 

•          Carlos Ruiz Zafon / L’Ombre du vent.

Un concentré de Pascal Mercier et de Laurent Gaudé, mais moins dégoulinant que ce dernier. J’ai laissé tomber.       

 

•          Marc Lévy / Et si c’était vrai.

Méchamment inspiré d’un livre de Jacques Attali (Le premier jour après moi), en beaucoup moins crédible, avec des dialogues faussement réalistes invraisemblables. J’ai laissé tomber.

  

•          Anne Brécard / Le Monde d’Archibald.

Ni le personnage principal, ni l’auteur ne semblent aimer les personnages fades de ce monde fade. Moi non plus. Je l’ai dit à Anne, nous sommes restés amis, je crois.

 

Les livres que j’ai écrits (pour info et analogie)

·         Bzjeurd / L’Atalante 1995 / Folio SF 2000.

Ce roman en bordure de science-fiction, je l’ai écrit presque en cachette, en grande partie sur mon vélo. Je pensais bien tenir une bonne histoire, mais sans savoir si son écriture serait lisible. Finalement, d’autres ont pensé que oui. Les critiques on dit : entre Buzzati et Coetzee (que je ne connaissais alors pas).
Sélectionné au 9e Festival du Premier Roman de Chambéry en 1996.

·         Deux bons bougres /  Encre fraîche, 2006.

Un premier chapitre insufflé par une fièvre au-dessus de quarante degrés. Un premier roman historique. Un gros travail de documentation, faute d’internet, et faute de documents sur la chair à canons, ces soldats que nous seigneurs se sont de tout temps amusés à dévorer.
Sélectionné au Prix des auditeurs de la Radio Suisse Romande 2007.

·         Lyon, simple filature / Encre fraîche, 2008.

Pour l’écrire, je suis allé m’installer dans un petit hôtel de Lyon, ville que je ne connaissais pas et que j’ai découverte en suivant mon héros. J’ai choisi Lyon parce que ce n’était pas Lausanne, et 1958 parce que ce n’était pas 1960. Curieusement, un roman presque psychologique, le seul dans ma panoplie.
Prix Bibliomedia 2009.

·         La Marche du Loup / Encre fraîche, 2004.

Alors que j’en étais aux premiers balbutiements du manuscrit, j’ai assisté à une lecture d’Agota Kristof. Je me suis dis que pour ce texte aussi des phrases très brèves pourraient être efficaces. Le résultat se situe en bordure d’un fantastique héroïque, beaucoup plus proche de celui des Sud-Américains que de Tolkien.
Sélectionné au Prix du roman de la Télévision Suisse Romande 2005.
 

·         Je dis tue à tous ceux que j'aime / H&O, 2005.

Un livre que j’aime particulièrement, peut-être parce que je l’ai écrit dans des conditions de rêve, seul sur une île déserte. Il me semble très bien construit, peut-être trop. Du côté de Kafka.
Sélectionné au Prix du roman de la Télévision Suisse Romande 2006.

·         La Cire perdue / Campiche, 2009.

En dehors du premier chapitre, assez rude, un livre que mes filles trouvent trop gentil. Et où, selon l’une d’elles, je n’ai pas traité le thème que je voulais aborder. Les comités de lecture des bibliothèques régionales ne partagent pas leurs avis. Entre Histoire et Fantastique.
Coup de cœur de la 17ème Sélection Lettres frontière 2010.   

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© textes et illustrations: CinÉthique, Olivier Sillig.


Courrier à l'auteur: E-Mail
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V:11.09.2016 (13.05.2011)