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Olivier Sillig 

Photo : ©  O.Sillig 2013                                                               .

 La paille et la poutre

© Olivier Sillig 2013

À la réservation, plus de place en fenêtre, je dois me contenter d'une en couloir. Comme sur d'autres continents, le bus s'arrête deux cent mètres après la gare routière et embarque des passagers un peu différents, qui s'entassent dans le couloir central. Parmi eux, arrêtés à ma hauteur, trois jeunes entre dix-huit et vingt ans. Je suis plongé sur ma liseuse électronique, dans la relecture des Misérables de Victor Hugo. Je n’ai pas l’impression que mon bras libre, posé sur l'accoudoir, dérange le gars debout, le plus proche de moi. La route est sinueuse et un peu chaotique.

Soudain, plutôt peu à peu, je sens quelque chose de vaguement dur contre l'os de mon coude. Vu l'entassent et l'espace restreint qui encouragent ma passivité, je ne retire pas mon bras, et même, d'abord inconsciemment, je le berce légèrement à contre courant. Je lève la tête. J’avais déjà repéré la physionomie du jeune homme, il aurait pu jouer dans un des tout premiers films de Pasolini, mais alors la maquilleuse s’y serait trompée et l'aurait passé au marc de café anglais ou à un fort thé de Chine. Il a un nez légèrement épaté, avec des arrêtes vives comme le reste du visage. Ses oreilles, nerveuses, sont un peu décollées. Sa lèvre inférieure, charnue et dédaigneuse, reste naturellement entrouverte. Sous des cils très longs, son regard se contente de fixer le paysage. J'ôte mon coude de l'accoudoir. Il lance un bref coup d'œil sur moi mais retourne au paysage. Je range ma liseuse sur le côté et avance ma main droite libérée vers sa braguette. J'ouvre le bouton d’en haut. Il étudie le paysage qui défile, tout en participant par vagues onomatopées à la conversation de ses deux copains. Je descends la fermeture éclair. J’enroule lentement l'élastique de son slip, une contrefaçon de marque connue, vers le bas. Et je libère la verge, déjà orientée vers la haut, ceci tout en surveillant le jeune homme qui, lui, semble analyser le paysage. Cette verge, je la saisi entre le pouce et l’index, la pince assez fort et la caresse. Le jeune homme regarde toujours le paysage, mais plus fixement, un peu comme s’il était devenu aveugle. Moi je ne regarde que lui. Et je sens qu'il est tout à l'écoute de ce que je fais. L'espace est suffisamment dense pour qu’il y ait de fortes chances que tout se passe à l'insu des autres. La respiration du jeune homme devient plus profonde, sa bouche s'entrouvre un peu plus. Un instant, sa main se pose sur la mienne, non pour me faire cesser mais parce que nous avons le temps, le voyage est encore long – il imagine bien que mon plaisir est égal au sien. Puis d'un pianotement des doigts sur ma main et sa verge, il m'invite à reprendre. Je reprends. Sa respiration, toujours profonde, s'accélère. Sa peau devient plus moite encore – c'est comme si, maintenant, elle captait absolument toute la lumière du dehors. Il éjacule haut. Son sperme retombe sur mes genoux, je sens les spasmes qui se prolongent dans la tige de sa verge. La grosse femme à côté de moi dort – heureusement il ne lui a pas pris la fantaisie de se débraguetter à son tour. Les appuie-têtes sont en tissu non-wowen, j'en déchire la moitié de mon côté, sans déranger mon voisin de devant, et j'essuie délicatement la verge du garçon avec, puis, pour lui laisser le temps de se mettre un peu en position de repos, j'essuie aussi mes genoux. Je porte le torchon improvisé à mes narines. Les yeux du jeune homme croisent les miens, qu’ils gratifient d’un léger sourire. Je rentre la verge et je rebraguette le garçon qui s’est remis à parler concrètement à ses copains.

Peu après, le bus s'arrête, plusieurs personnes, dont les trois garçons, descendent. Quand le véhicule repart, les yeux du jeune homme se fixent une grosse seconde sur moi. En quittance, en reçu, en récépissé du joli plaisir que nous avons partagé ensemble. Je sais déjà que ni lui ni moi n'oublierons cet instant d'infini. Moi, pour les dix ou vingt ans qu'il me reste à vivre. Lui, pour les soixante siens. Le chanceux !

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  23.04.2013 <Master en .doc> C: 29.01.2013