LE MAGAZINE LITTERAIRE, Philippe Curval,
mai 1995
|
|
Quelle
excellente initiative de la librairie L'Atalante de nous offrir dans sa
Bibliothèque de l'évasion de jeunes auteurs de S.F. à découvrir. Après
Borrelli, voici que ces éditions publient Bzjeurd d'Olivier Sillig. Pour
situer l'atmosphère du roman, avec la facilité d'oser une comparaison, disons
qu'elle oscille entre Buzzati et Coetzee. Au sein d'un univers partagé entre
la mer et les limbes, indécis, semé d'îlots terrestres où vit une population
fruste, des bandes armées portent la mort. Après le saccage de son village,
Bzjeurd fera l'apprentissage de la cruauté dans la forteresse de Kazerm, dont personne ne connaît l'origine ni les buts.
Devenu cavalier de deuil, il partira en quête de vengeance. On
imagine avec horreur cette histoire traitée en quatre volumes de 850 pages
par un auteur américain. Sillig travaille dans la concision, l'intensité,
œuvre dans révocation subtile de ce paysage des limbes, où se risquent
les voyageurs. Parcours technique aux péripéties symboliques dans un monde
gris, absurde jusque dans sa vraisemblance. Ici, les repères se limitent aux
dunes et au limon, aux lamproies qui sortent de la vase, aux pouffins qui les emportent, aux sentiers qui s'enlisent
dans la boue, aux face-à-face mortels entre des adversaires victimes de la
fatalité. Auteur minimaliste, Sillig nous séduit d'emblée par son épopée
esthétique. |
V: 03.07.2023 / 04.05.2013.