
Jérémie, le papillon qui se brûle les
ailes
SAMEDI 05 SEPTEMBRE
2015
Marc-Olivier Parlatano
ROMAN • «JIMINY CRICKET» D’O.SILLIG
« C’était son contact physique ou son aura
quasi palpable qu’on cherchait. ». Chacun nourrissait
l’espoir de s’asseoir « à la gauche ou à la droite de
Dieu », en somme. Cette divinité-là n’est pas celle des
monothéistes mais un jeune homme, Jérémie, protagoniste du dernier roman de
l’écrivain romand Olivier Sillig. John, le narrateur de Jiminy Cricket, est un vacancier
britannique qui arrive par hasard dans un hameau du sud de la France, où une
communauté alternative a réoccupé les ruines d’un village vidé par l’exode
rural. Nous sommes dans les années 1970. John découvre le petit monde
préservé, sans stress ni foire d’empoigne, de Fabienne, Melinda, mais
surtout de Jiminy Cricket. C’est le sobriquet que lui attribue
spontanément John la première fois qu’il le croise – on se
souvient de l’insecte pétillant qui accompagne Pinocchio et représente
sa bonne conscience.
Le Jiminy Cricket humain, lui, garantit à sa façon l’équilibre, voire
la cohésion, du groupe d’alternatifs, parce qu’il s’offre à
chacun avec une certaine allégresse. Aux hommes comme aux femmes. Et
également au narrateur. Au fil des jours se tissent des liens dans ce coin
perdu du Midi, tandis que des visiteurs extérieurs vont et viennent sans
mettre en péril la communauté. L’ambiance détendue, proche de la nature
et bon enfant, incite du moins à pareil optimisme.
Mais c’était compter sans l’irruption d’un boucher et de sa
femme. Quelque chose va irrémédiablement se détraquer. Le passé du boucher,
une vieille histoire de guerre et une approche sexuelle feront voler en
éclats l’aura féerique de Jiminy, dont la légèreté apparente cachait
une faille. Olivier Sillig raconte la rupture, l’inexorable processus
qui conduira Jiminy derrière les barreaux et, tel un sanglant point
d’orgue, sur la planche à bascule de la guillotine. Au-delà des
péripéties érotiques puis dramatiques, ce roman a pour personnage principal
un «météore», un jeune homme voué à brûler prématurément ses ailes, comme si
c’était trop beau pour que l’enchantement dure.
OLIVIER SILLIG, JIMINY
CRICKET, ÉD. L’AGE D’HOMME, 2015, 182 PP. Marc-Olivier Parlatano Le Courrier
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